dimanche 18 mars 2007

Les Amants du Pain de Sucre

Emile BADEL "Souvenirs d'enfance au Pays Lorrain"
Nancy Imprimerie G.Thomas 1930

Tous mes remerciements à Mme Wey de Saulxure-les-Nancy, institutrice, pour m'avoir fait découvrir cette très belle légende.

Parmi les bruyères et les buissons nains d'aubépine, le vent passe, humide et déjà froid, le vent d'automne des septembres Lorrains... et de l'eau suinte, goutte à goutte, à travers les rocailles ferrugineuses du sommet du Pain de Sucre, face au plateau Gaulois de Sainte-Geneviève, aux frondaisons dorées de Flamémont, à Reversmont de Malzéville. Le Mont regardait Agincourt et Agincourt regardait le Mont. Entre eux deux, depuis longtemps, c'était l'accoutumance du bonjour quotidien, des sentiers à travers les champs pierreux, des mêmes herbages et des mêmes plantations. Les gens du pays, depuis des millénaires, regardaient la montagne pelée qui se hissait comme un cercueil géant en plein coeur de leur terroir, observatoire merveilleux au temps des invasions d'autrefois, simple baromètre aujourd'hui indiquant le beau temps ou la pluie suivant les saisons. Loin, bien loin, des bords de l'Amezule aux rives sinueuses des ruisseaux de chez nous, on apercevait le Mont Bizarre, dans son splendide isolement, borne titanesque aux contours changeants, suivant l'orientation "Pain de Sucre" ferrugineux dont les flancs recélaient des trésors. De Lay, d'Eulmont, de la citadelle d'Amance, des bordes et des censes d'alentour, on contemplait avec étonnement la mystérieuse montagne, où, jadis, affirmait-on, s'allaient joindre les satyres et les driades, où les fées, sous le plomb-soleil, tissaient des étoffes de pierreries, où les braconniers chassaient le gibier de nos ducs, où, maintes fois, depuis l'An Terrible, les douaniers firent la guerre aux contrebandiers. Le Mont restait là, sentinelle avancée, regardant à des lieues, dominant les terres aux rayures rouges et jaunes, les luzernières et les champs de blé, les avoines et les seigles, les vergers et les bois, regardant couler, toutes menues, les eaux claires d'Amezule et de Seille, les rupts innombrables des plus humbles vallons. De ses flancs, de sa croupe puissante, d'autres eaux yssaient, susurrantes. C'étaient des sources de vie, un ruisselet d'argent qui s'en allait dans un repli fleuri et qui fertilisait un canton, une "fin", avec une manière de "reposoir" exquis au milieu d'herbages de senteur, là même où l'eau sourdait du sol, entre des saulaies, du thym et des menthes sauvages.

Un matin de ce septembre humide, je suis retourné seul à ce Pain de Sucre, à ce géant d'Agincourt, Thabor merveilleux du pays de Lorraine. Des ouates blanchâtres s'enlevaient lentement, débris de fumées voltigeant à mi-mont. De Lay-Saint-Christophe, on n'apercevait qu'une mer de nuées grises, d'un gris sale qui s'épaississait par en haut, comme une masse impénétrable et profonde, cachant les choses, dérobant les horizons coutumiers. En bas, ces brouillards se diluaient en moiteurs humides, faisaient les chemins gras, les sentiers glissant, déposaient des gouttelettes sur les herbes des champs, sur les arbres aux feuillages éternels, étouffaient tous les bruits de la vallée. C'était la brume fraîche de fructidor, veille des automnes où, pourtant, la nature n'a pas encore dépouillé ses splendeurs, où le soleil met des points éclatants à travers les forêts, où les peupliers des routes font mine de jeter aux passants une pluie de sequins d'or ou de gros sous rouillés. De Lay à Eulmont, par le creux du vallon, la route est pittoresque au possible. Cette Amezule est d'un caprice sans pareil, allant à droite, allant à gauche dans les héritages, coupant les prairies, traversant un champ de pommes de terre, caressant doucement des rectangles violets où poussent des blés de Rome ou des topinambours... et toujours suivie, gardée, délimitée par un double rang de saules verts aux troncs noueux et tout déjetés. On tire joliment le "pâchat" en passant par les sentiers des vignes, les pauvres vignes où l'on a tant oeuvré cette année pour une récolte absente. La terre est grasse, prenante et forte. Sur son mamelon, couronné de forêts, Eulmont s'étire et s'étend à n'en plus finir, jusqu'à une manière de Château, gentilhommière agricole des Urmès. Et soudain, sans que l'on sache comment, sans aucun souffle du vent d'antan, voici la vallée qui se découvre, toute ; voici les à-côtés grimpants qui apparaissent successivement, avec leurs bandes de terres se suivant à l'infini, découpures d'acquêts, frontières de propriétés morcelées. C'est alors la vue qui plonge sur Agincourt aux deux chemins qui montent ; c'est le plateau de Malzéville, avec son bois de Flamémont (le Mont enflammé); c'est le moulin de Piroué ; c'est le rupt sorti des flancs du Pain de Sucre et de Sainte-Geneviève et c'est, dans sa gloire, parmi les fumées blanchâtres du sommet - léchures de brumes, débris de vagues aériennes - c'est la cime auguste du Mont, qui se dresse, isolée, attirante et mystérieuse. Le Mont regardait Agincourt et Agincourt regardait le Mont.

Le Rupt de Chachauoïe... c'est ainsi qu'ils appellent, de toute éternité, le ruisseau qui traverse Agincourt. Une fontaine est là, dans un paysage biblique, sous les grands arbres, avec des bancs de pierre en hémicycle pour les laveuses fatiguées... ou pour leurs admirateurs. A cette fontaine, bien des gens sont venus boire, chemineaux de tous les temps ; bien des bêtes ont ruminé, les yeux vagues ; bien des oiseaux ont humecté leur frêle gosier de bons chanteurs lorrains. Y vont encore, à des heures propices, les tout vieux d'Agincourt, ceux qui vont sur "leur nonante" pour voir passer le monde et pour "couarailler" du passé. On les "renouvelle toujours" les anciens disparus, ceux qui ont labouré depuis des siècles, les Maucolin et les Bazelaire, et jusqu'à ce "garçon" qui s'en allait planter sa tente ailleurs, trouvant qu'on ne travaillait pas assez chez les Florentin. Un sentier prend là, "derri lé fontène d'Aginco", et c'est tout de suite la rude grimpée, l'ascension du Pain de Sucre, l'emprise de la Montagne. Droit devant soi, l'on monte, l'on monte encore. Les terres s'en vont, à la ribambelle ; voici les éteules des récentes moissons ; voici les fronges desséchées de nos pommes de terre ; voici les endroits pierreux où se terrent les lézards gris, où se sauve un lièvre, en caponnant ; et voici les trèfles et les sainfoins où paît le troupeau communal d'Agincourt. Finies maintenant les cultures... la terre que l'on foule est stérile et rebelle au soc de la charrue. C'est déjà le sommet de la montagne, comme un cône long et étroit, une pyramide de pierre, rouges et jaunâtres, tapissée d'herbe courte, avec, çà et là, des fleurettes qui ne veulent pas mourir, des buissons nains d'aubépine, des touffes de rosier sauvage, chargées de gratte-cul tout mollats. Lentements, dans le calme mystérieux de cette solitude, je fais le tour du sommet, de la cime auguste qui fut peut-être un temple, qui reste aujourd'hui un signal militaire et qui, demain, pourrait être le piédestal grandiose d'une grandiose statue de Jeanne d'Arc, l'épée haute pour défendre la France... aux Marches de Lorraine !

"Excelsior !" Plus haut ! plus haut encore ! Me voici au faîte, dans "l'oppidum" des Gaulois et des Romains, sur la crête rocheuse qui domine le pays tout entier. Toute la terre est là, la terre de chez nous, encore embuée dans les lointains. Mais aujourd'hui je ne suis pas venu demander au Mont les apothéoses des panoramas splendides... aujourd'hui je voudrais connaître un peu des mystères d'autrefois, de ces temps révolus où ils venaient s'aimer ici, les monstres chèvre-pieds et les nymphes aimables des campagnes, les divinités faciles et douces des âges lointains... tout pareils aux nôtres, je veux le croire. Une croix est là, faite de deux brindilles entrelacées et que les saisons ont desséchées... et c'est l'entrée obstruée des carrières, de la mine de fer que les hommes primitifs exploitaient, comme ils tiraient du sel dans leur fameux briquetage de la Seille. Et dans un vieux manuscrit des âges lointains, je relis la légende cruelle d'Amarina, la fille gauloise de Flamémont, venant, la nuit, rejoindre son amant, le beau Sancius, au sommet du Pain de Sucre ferrugineux. Là-haut, dans "l'oppidum" de Sainte-Geneviève, les huttes gauloises s'étageaient, dominant la plaine. Les femmes activaient le foyer, entassaient les poteries grossières (que l'on a retrouvées naguère), écrasaient le blé sous les meules en porphyre quartzofère et en lave de Niedermendig, apportées là, à dos d'homme, durant des exodes... pierres sacrées du pain quotidien. Et les Gaulois de l'âge du fer allaient et venaient par les forêts d'alentour, avec leurs haches polies en schiste amphibolique, leurs flèches en silex, leurs broyons, leurs lances munies de solides ferrures. Le fer, ces populations guerrières le trouvaient tout près, quasiment au faîte du Pain de Sucre, et ils en faisaient des armes, des instruments, des objets de tout genre. Le fer, ils le prenaient là, sous forme de minerai de fer fort, en rognons, en gros grains ou pysolithes, et c'était un véritable établissement métallurgique dont les scories deux fois millénaires attestent encore l'importance.

Deux fois le jour, Amarina la Gauloise descendait du vallum retranché de Sainte-Geneviève pour aller puiser de l'eau à la fontaine des Druides, qui coule encore à Reversmont, regardant Agincourt et le Pain de Sucre. A Rosmerte, la bonne déesse de ce temps-là, elle fit un voeu: d'aller choisir un époux parmi les rudes forgerons du Mont Chauve, parmi les jeunes hommes sachant manier le glaive et bâtir les huttes massives de branchages. Le soir, quand les flammes de la forge primitive eurent fini de rougeoyer sur l'horizon, Amarina salua les étoiles, quitta le campement, descendit la pente de Flamémont et bientôt, après une pause à la fontaine - où son coeur battait bien fort - elle fit pour la première fois l'ascension du Pain de Sucre. Ce fut là, sous les regards amis de la Lune, parmi les silences sans fin de cette nuit divine, qu'Amarina fit la rencontre de Sancius. Dans la grotte du Mont Chauve, parmi les pierriers de pysolithes, ils s'aimèrent. Et il n'y avait là que deux jeunes humanités, aux premiers âges du monde. Comme aujourd'hui, la montagne soupirait faiblement, des pierres cassées roulaient dans les éboulis ; le vent murmurait sa cantilène étrange des nuits d'amour, et les eaux coulaient, clairettes, sur les pentes, à travers les herbages, parmi les saules et les bouquets nains d'aubépine. Le matin, quand le soleil reparut sur la cime, irradiant les entours, les forgerons Gaulois découvrirent en le pierrier du fer les corps inanimés d'Amarina et de Sancius. Le Génie mystérieux du Pain de Sucre les avait tués, fauchés dans leur fleur en pleine nuitée d'amour.

On dit que le Géant du Pain de Sucre, génie si redoutable aux amants d'autrefois, s'est bien apaisé depuis. Il est rentré sous son couvercle de pierres et de minerai de fer... c'est à peine, en prêtant bien l'oreille, si l'on perçoit encore ses chants mystérieux et ses clameurs d'en dessous. Parmi les bruyères et les buissons nains d'aubépine, le vent passe, humide et frais... et de l'eau suinte, goutte à goutte, sur les ossements des deux amants d'autrefois, en la mine de fer du Pain de Sucre, face au plateau Gaulois de Sainte-Geneviève au pays de Lorraine !

Analyse de la légende des Amants du Pain de Sucre

Tout le début de l’histoire est une description poétique des lieux de la part d’Emile Badel. Il insiste sur la partie ascentionnelle de la montagne. La deuxième partie qui tient à peine sur une page est la légende. Si on programme des liens hypertextes, on s’aperçoit que cette authentique légende celtique posséde la fonctionnalité détaillée du Pain de Sucre dans les symboles qui sont présents :

Eau
Lune
Nuit
Vent
Fontaine
Goutte
Chant
Coeur
Montagne
Pierre
Forgeron
Soleil
Caverne
Flamme
Oreille

Analyse de la légende des Amants du Pain de Sucre

Tout le début de l’histoire est une description poétique des lieux de la part d’Emile Badel. Il insiste sur la partie ascentionnelle de la montagne. La deuxième partie qui tient à peine sur une page est la légende. Si on programme des liens hypertextes, on s’aperçoit que cette authentique légende celtique posséde la fonctionnalité détaillée du Pain de Sucre dans les symboles qui sont présents. Il faut donc tous les relever avec soin :

Eau
Lune
Nuit
Vent
Fontaine
Goutte
Chant
Coeur
Montagne
Pierre
Forgeron
Soleil
Caverne
Flamme
Oreille

L’eau fait immédiatement appel à l’Esprit, nous en avons ensuite confirmation avec le souffle du vent. Le Pain de Sucre est une montagne où souffle l’esprit, c’est la caverne du coeur, un antique haut lieu sacré. Mais en quoi l’est-il donc ? Le symbole de la goutte d’eau, la goutte de l’esprit est extrêmement compliqué à expliquer. Sancius est le Ciel et Amarina la Terre. C’est d’un mariage entre la terre el le ciel, de théophanie dont il s’agit. Comment ce mariage a-t-il lieu ? Par l’intermédiaire du Soleil et de la Lune qui décrivent tous deux à une époque différente de l’année un coeur autour de la butte Sainte Geneviève. En traçant le coeur, ils tracent une courbe qui a la forme d’une goutte. Cette goutte est une perle qui se trouve inscrite dans un diamant : la pierre. Le pain de Sucre, la nuit brille tel un lampadaire céleste : la lune passe à certaine époques de l’année à sa perpendiculaire selon un cycle ascendant et descendant. Ce cycle aura une fréquence trés lente qui, par sa vibration, provoquera à un moment donné un “ chant ” donc un son ! La moitié du coeur peu se représenter par une oreille dont le centre sera à féconder. Par qui quand et comment cette fécondation aura-t-elle lieu ? C’est ce que toute cette étude devra déterminer ! Mais on peu dors et déjà se l’imaginer : le son provoquera une vibration, le coeur, en tournant transformera le mouvement rotatif en mouvement vertical, il y aura donc quelque chose au centre de la goutte qui montra et descendra et que l’on ne verra pas : l’axe du monde ! Le son, la vibration sera ainsi le résultat de cette union et il en résultera la création. Qui en sera le mettre d’oeuvre ? Tout simplement le Forgeron ! Je vous laisse le soin de lire l’importance du rôle du Forgeron dans toutes les civilisations ! Par contre, ce que je ne m’explique pas c’est la raison de la mort des deux amants à la fin de leur union ! C’est donc qu’il y a sacrifice divin !

J'ai eu une autre explication chrétienne celle là :

Ce serait la légende originale de l'histoires des amants qu'étaient Marie Madeleine et Jésus Christ car les gnostiques qualifient Madeleine de compagne de Jésus jamais d'épouse.

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